Paris: Culture et design en sous-sol
(Un texte de
Thierry Hilleriteau lu au FIGAROSCOPE du 12 avril 2006)
L'identité du métro ne se limite pas aux petits carreaux
en faïence de Gien ou aux entrées Guimard. En témoigne la station
Champs-Elysées-Clémenceau, tout juste rénovée, devenue la véritable antichambre
du Palais de la découverte.
Quel artiste se cache derrière le Nautilus d 'Arts
et Métiers ? Pourquoi les silhouettes d'Assemblée nationale changent-elles tous
les trois mois ? Sur quelle ligne peut-on voir des expositions d'art
contemporain ? Et surtout, pourquoi certaines stations ont-elles été
entièrement redécorées et pas les autres ? Autant de questions qui se posent
quotidiennement au voyageur. Pour beaucoup, ces « habillages culturels » ne
sont qu'un épiphénomène. Pourtant, la politique culturelle de la RATP n'est pas
une idée neuve.
DE L'ART NOUVEAU AU
DESIGN. « Dès le départ, le métro of ait du design un
véritable enjeu culturel », apprend-on à l'unité design et projets
culturels de la RATP. Et cela, bien avant que l'entreprise ne voit le jour.
Guimard, c'était déjà une forme de design. Et le sigle de l'ancien réseau
Nord-Sud, avec ses initiales entremêlées, c'était aussi du design. Mais c'est
en 1957, à Franklin-D. Roosevelt, que naît la première station « habillée », ou
station-musée. À l'époque, l'objectif est avant tout publicitaire : de
grandes marques cherchent à associer leur image à des œuvres d'art. Dans les
années 60, le Louvre devient le premier partenaire institutionnel de la RATP,
avec le rhabillage de Louvre-Rivoli. Et dans les années 80-90, on voit naître
les projets les plus fous, à l'initiative d'autres institutions – Arts-et-Métiers
et Assemblée nationale - ou sur la demande de simples artistes - Françoise
Schein à Concorde. Il faudra attendre 1998 pour que la RATP se dote d'une
politique culturelle institutionnelle. «L'arrivée
de Météor a été l'occasion de mener une véritable réflexion sur la culture dans
le métro, confie Jean-Michel Leblanc, responsable des études de projets à
la RATP. Avant, on travaillait en
réaction à des demandes. Nous avions besoin de pérenniser nos rapports avec les
partenaires anciens et d'en trouver de nouveaux, pour donner caution à nos
projets futurs. »
PRÈS DE 200 PROPOSITIONS
PAR AN. C'est ainsi
que naîtra l'unité design et projets culturels, en charge d'étudier les
différents dossiers de partenariat avec artistes et institutions. Si certains «
habillages » sont entièrement financés par la RATP, à l'image des stations du
centenaire où l'entreprise est allée chercher les concepteurs elle-même,
beaucoup sont l'aboutissement de propositions. « Nous recevons entre 10 et 20 propositions par mois. Cela va de la
simple offre de collaboration au projet finalisé. » Les projets retenus sont
ensuite adaptés pour correspondre avec la rénovation d'une station. La RATP
prendra généralement en charge la partie technique - le càblage, par exemple -
et le partenaire financera l'« installation artistique ». Car à la RATP, on
préfère ne pas parler d'exposition, qu'elle soit permanente ou temporaire. « Il faut que l'œuvre valorise l'espace - la
station - et que l'espace valorise l'œuvre. Et surtout que tout cela ait un
sens pour le voyageur. D'ailleurs, nous ne sommes pas pour une thématisation de
toutes les stations : 10 % nous semble un bon chiffre. Il ne faut pas que
la culture dans le métro rentre en conflit avec la culture du métro. »
À découvrir :
Des premières reproductions de tableaux aux neuf
stations du centenaire, le métro s'est doté en cinquante ans de décors
inattendus. Exit métro-boulot-dodo : offrez-vous une balade « culturelle » dans
les entrailles de la capitale, au fil des stations qui marquèrent les grandes étapes
de cet étonnant mariage entre les transports et la culture.
Arts-et-Métiers
Depuis 1994, les voyageurs de la station
Arts-et-Métiers sont plongés au cœur d'un énorme sous-marin cuivré, conçu par
François Schuiten et Benoît Peeters pour les 200 ans du Conservatoire national
des arts et métiers.
Bienvenue au Louvre
(-Rivoli)
C'est à André Malraux que la station doit sa
transformation en 1968 par l'architecte Robert Venter - qui signa quelques
années plus tard l'aménagement de la station Varenne pour le musée Rodin. En
l'absence de la Pyramide du Louvre, on accédait en effet au musée par cette
unique station à l'arrière de la cour carrée : l’une des plus anciennes du
réseau, qui portait à l'époque la simple appellation « Louvre ». Pour faire
écho aux salles du musée, Venter fait plaquer les murs de la station avec de la
pierre de bourgogne et y aménage des niches devant accueillir des reproductions
du fonds ancien - Égypte. Antiquité grecque et romaine, Moyen Age.
La mémoire du métro à
Tuileries
Sur la vaste fresque conçue par l'agence Participe
Présent et qui recouvre les murs de 420 illustrations, la petite histoire du
métro parisien rejoint la grande histoire du siècle dernier. Au milieu des
tulipes Guimard, de la carte orange ou de l'emblématique Sprague-Thomson se
côtoient des figures hétéroclites mais non moins célèbres : Casimir, Nelson
Mandela, Brigitte Bardot, Charlot. Tout ici semble rappeler que le métro fait
bel et bien partie de la culture du XXe siècle, jusqu'aux éclairages
spécialement conçus pour donner un maximum de clarté. Le renouvellement d'une
partie de la fresque, concernant la décennie 2000, est prévu pour dans trois
mois.
La Déclaration des droits de
l'homme à Concorde
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits. » Sur les murs de la station Concorde, ligne 12, le texte complet de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 s'étale à la
vue de tous. 44 000 carreaux vitrifiés et sérigraphiés de couleur blanche écrits
bleus métro. Réalisée en 1990 par l'artiste Françoise Schein et l'architecte
Claude Tautel, cette œuvre célèbre les 200 ans de l'illustre manifeste. Petite
originalité : la ponctuation a été rejetée en bas de chaque section.
Un coin de ciel bleu à
Luxembourg
Unique station du centenaire aux décors
entièrement« éphémères » - à l'exception de Saint-Germain-des-Prés dont les
projections varient tous les trois mois -, Luxembourg […]
Franklin D. Roosevelt: la
première station-musée
Souvent considérée comme la première « station
culturelle » à cause de ses 18 reproductions de tableaux en gemmail, Franklin
est avant tout la première station carrossée, c'est-à-dire à accueillir un
habillage design au milieu des années 50. Il s'agit à l'époque d'un simple
revêtement de tôle peinte permettant d'aménager des panneaux publicitaires en
gemmail dont chacun est associé à une œuvre particulière. La nouvelle station
Franklin D. Roosevelt est inaugurée en mars 1957. L'introduction dans le métro
de cette technique artistique nouvelle - collage de morceaux de verre colorés -
donnera à la station son qualificatif de « première station-musée ». Le Figaro parlera même de « la plus belle
station du monde ».
Une serre tropicale à gare
de Lyon
C'est l'un des décors les plus impressionnants du
réseau. À 12 mètres sous terre, le chef de projet François Saglier a eu l'idée
de ce jardin tropical enserré dans un bloc de béton de 9 mètres de haut. 548 m2
où s'épanouissent comme par miracle 950 espèces végétales, de la simple fougère
au rare Archontophoenix alexandrae. Mais ce n'est pas là le seul aménagement
culturel digne de détour sur la ligne 14. La RATP a déployé tout le long de la
ligne une dizaine de vitrines, fenêtres avec vue sur la création contemporaine
remplacées tous les trimestres, et animées par des écoles de création ou des
artistes ayant œuvré dans le métro.
Villejuif-Léo Lagrange, la
sportive
Cette fresque « athlétique », imaginée par
l'agence d'architecture Mario Cucinella, est l'exemple le plus original des
stations du centenaire, redécorées en 2000 pour les cent ans du métro parisien.
L'architecte, formé aux côtés de Renzo Piano, partage avec ce dernier le goût
du high-tech. Son design figure donc parmi les plus innovants du réseau,
notamment en termes d'éclairage. Mais c'est surtout dans la thématique sportive
que réside l'originalité du lieu. Cucinella n'a pas hésité à tirer parti des
dimensions du quai et des voûtes en anse de panier pour y déployer des échelles
graduées, où figurent les records de sauts et les distances de différentes
courses.
Un monument de papier pour
Assemblée nationale
Peintre et dessinateur spécialisé dans les ombres
ou les silhouettes, Jean-Charles Blais a signé en 1990 la décoration de la station
Assemblée nationale. Cette œuvre vivante sous forme de campagne publicitaire
devait durer dix ans. Elle a été reconduite en 2004, pour dix années supplémentaires.
Sans oublier
- Le Palais de la découverte à Champs-Elysées-Clémenceau (ligne 1)
- L'histoire de la place de Grève à Hôtel de Ville (ligne 1)
- La fresque révolutionnaire à Bastille (ligne 1)
- Nos voisins d'Europe (ligne 3)
- La « patate » de Parmentier (ligne 3)
- Les Lettres à Saint-Germain-des-Prés (ligne 4)
- Les couleurs de La Fayette à Cadet (ligne 7)
- Les valeurs montantes de Pont Neuf (ligne 7)
- Une Bonne
Nouvelle (ligne 8) cinématographique
- L'Amérique à Chaussée d' Antin-La Fayette (ligne 9)
- La voûte signée de Cluny-La Sorbonne (ligne 10)
- La santé de Pasteur
(ligne 12)
- La musique à Carrefour Pleyel (ligne 13)
- Les paysages liégeois à Liège (ligne 13)
- Les statues de Rodin à Varenne (ligne 13)
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