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jueves, septiembre 13

Dites-moi Professeur: finaliser, gâchette et détente



(Lu dans Le français dans le monde de janvier-février 2011)

Bernard Cerquiglini, éminent linguiste et spécialiste reconnu de la langue française, révèle et explique chaque quelques curiosités verbales : origine des mots et expressions, accords pièges et orthographes étranges...

Finaliser

Ne craignons pas d'être un peu puriste ; à bon escient du moins. Et même un peu à mauvais escient. Je n'aime pas, mais alors pas du tout, l'emploi actuel du verbe finaliser : l’accord a été finalisé, au sens qu'il a été bouclé et conclu. 

Le verbe finaliser est apparu au début du xxe siècle, dans la langue philosophique. Il est formé sur le mot fin, signifiant le but. C'est la signification que l'on rencontre dans : parvenir à ses fins, afin que et la fin justifie les moyens. Finaliser signifie donc : "assigner un but ». On peut dire, par exemple, que la vie humaine est finalisée par la recherche du bien public, l'angoisse de la mort, ou autre. On finalise un projet, une politique, un mécanisme. D'où les emplois techniques : la finalisation d'un dispositif. Logiciel finalisé pourrait à mes yeux remplacer avantageusement le très mauvais logiciel dédié.

Que s'est-il passé ? Le verbe anglais to finalize est, lui, formé sur final « final » ; il signifie « mettre au point, achever». À l'évidence, cette signification contamine actuellement le verbe français. On va me dire que finaliser n'est plus rattaché à fin mais désormais à final et qu'il n'y a pas de quoi s'émouvoir. Je n'en démords pas, cependant, et refuse cet anglicisme. Les mots ne manquent pas en français : on boucle une affaire, on met au point un dossier, on met la dernière main à un texte. En revanche, la langue a besoin d'un verbe signifiant que l'on donne du sens à une action : on la finalise ; et nous conserverons le verbe… à cette fin. 


Gâchette et détente

À quoi reconnaît-on un mauvais auteur de romans policiers ? À deux traits qui concernent les armes à feu. Notre auteur, tout d'abord, confond le pistolet et le revolver. Il s'agit certes d'armes portatives qui se tiennent d'une seule main. Mais le pistolet est une arme automatique, à canon court, alimentée par un chargeur ; le revolver (anglais to revolve) est pourvu d'un barillet situé à l'arrière du canon. C'est le fameux « six coups » des westerns et de la roulette russe. Un peu désuet sans doute, mais beaucoup plus sûr que le pistolet dont le chargeur a fâcheusement tendance à s'enrayer. 

L'autre confusion est des plus courantes : elle prend la gachette pour la détente. Ne parle-t-on pas d'une bonne gâchette pour un bon tireur ? La gâche est cette pièce métallique fixée au chambranle d'une porte et dans laquelle s'engage le pêne de la serrure ; elle le retient. On a donc utilisé le mot gâche, ou plutôt son diminutif gâchette, pour désigner une pièce métallique située à l'intérieur de l'arme ; elle immobilise le percuteur et le libère brusquement quand on appuie sur la ... détente.

Car c'est bien la détente (du verbe détendre), munie d'un ressort, qui ouvre la gâchette, laquelle libère le percuteur qui fait partir le coup ; lâcher ; presser la détente ; rester le doigt sur la détente. 

Les choses sont claires, car les termes sont pris dans leur sens propre : une détente actionne la gâchette. Un auteur de polar qui confond les deux, c'est un drôle de pistolet ! 



La personne que je vous parle

Qui n'a pas frémi en entendant des phrases comme : C'est la personne que je vous parle ? Selon la norme, il s'agit très clairement d'une faute. Le verbe parler prenant un complément indirect (on parle de quelqu'un), on doit dans ce cas utiliser le relatif dont: C'est la personne dont je vous parle. 

Fort bien. Il faut cependant comprendre d'où vient l'erreur. Que, relatif et surtout conjonction de subordination, a vocation à être un subordonnant universel. Ce sont les grammairiens du XVIle siècle qui, dans une intention légitime de clarté, ont réduit le subordonnant que à son emploi complétif (je crois que vous parlez) ou relatif complément (la langue que je parle). Ils ont prescrit l'emploi de subordonnants plus complexes pour traduire le but, la conséquence, la cause (afin que, si bien qu'elle, parce que, etc.).

Tel est le bon usage. Mais comme toujours, il s'agit de la pratique écrite ou bien orale soutenue. La langue parlée familière continue d'employer un que universel. Et les écrivains y ont été sensibles :

La cause (Victor Hugo) : Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps.
Le but (Victor Hugo encore) : Donne-moi ta main, que je la serre.
La conséquence: (Alphonse Daudet cette fois) : Les commandes pleuvaient à l'abbaye, que c'était une bénédiction.

On voit comment le bon usage grammatical, doté de subordonnants précis, a tenté de s'imposer à une langue qui, dans sa variante parlée familière, a gardé une syntaxe très souple: ôte-toi de là, que je m’y mette !